Numéro 201-202

Janvier-Juin 2022

Tome LI

René Guilly (1921-1992)

En quête des « vraies richesses » de la franc-maçonnerie

SOMMAIRE

EDITO

René Guilly à 19 ans en 1940.

1970-2020, cinquante ans de Renaissance Traditionnelle ! Franchir la barre des deux cents numéros est une étape pour une revue, surtout quand elle s’est fixé un objet aussi particulier – faire « mieux comprendre et mieux aimer la tradition maçonnique dans sa double dimension historique et spirituelle » – et qu’elle s’adresse, par nature, à un public assez restreint. Pourtant, c’est moins le millésime que nous célébrons avec ce numéro 201-202 que son fondateur René Guilly (1921-1992) dont l’année 2021 a marqué le centenaire de la naissance et qui a rejoint l’Orient éternel il y a maintenant trente ans. « Trente ans après », il est toujours aussi présent dans ces pages. Nous partageons encore la conception de l’Ordre qu’il s’est forgée au cours d’une vie de pratique et d’étude. Nous mettons toujours en œuvre la méthode qu’il a développée pour mieux cerner les « vraies richesses » de la tradition maçonnique. Une bonne partie des animateurs de notre revue reste constituée de Maçons qui l’ont connu et accompagné dans cette quête, c’est peu de dire qu’ils en ont été durablement marqués. Arrivés à leur tour à l’âge de la maturité, ils ont voulu en savoir un peu plus sur cet homme à qui ils devaient tant.

Notre fondateur a eu plusieurs vies. L’un des apports de ce numéro est la belle étude de Pierre Lachkareff sur sa jeunesse et son engagement dans le Paris culturel et artistique de l’Après-guerre. On découvre un René Guilly familier de Raymond Queneau et Boris Vian, qui travaille avec Dubuffet, polémique avec Antonin Artaud ou découvre Georges Mathieu. Nous nous sommes bien sûr focalisés sur sa vie maçonnique. Paul Paoloni nous retrace un itinéraire et les questionnements qui le menèrent d’une loge historique – La Clémente Amitié –, typique du Grand Orient de France de cette époque, vers d’autres horizons maçonniques. De ses débuts dans une Maçonnerie des années 1950 en reconstruction, il garda de solides amitiés comme celles, qui pourraient étonner, qu’il entretint avec Francis Viaud ou Fred Zeller. D’autres horizons, au-delà même des frontières – nationales ou maçonniques –, puisque René Guilly eut de nombreux échanges avec des érudits maçonniques britanniques comme nous le raconte Bernard Dat et qu’il fut aussi membre d’une loge « régulière » allemande. Enfin, Roger Dachez nous éclaire sur le contexte dans lequel se formèrent ses conceptions maçonniques.

Certains ressentent des affinités profondes entre esthétique et spiritualité. C’est peut-être la clef du chemin de René Guilly dans ce monde. Art de son temps, « Art royal », restauration d’œuvres d’art… « L’art c’est toute ma vie » répondait-il à une amicale mise en demeure d’un vieux complice, Robert Amadou, c’est sans doute beaucoup plus qu’une boutade.

Une question demeure cependant. Pourquoi, après avoir consacré, pendant près de quinze ans, le meilleur de sa jeunesse et de son énergie à l’art de son temps et à ses débats alors les plus actuels, après avoir fréquenté intimement certains de ses acteurs les plus importants ; pourquoi, au milieu des années 1950, René Guilly se retire finalement de ces enjeux pour s’investir dans l’étude de l’art ancien et se vouer à une quête de Renaissance Traditionnelle.

Pierre Mollier

EXTRAITS